Cinoch

 


Titre originalThe Broken Circle Breakdown

Pays d’origine Belgique
Film dramatique de 2012




J'ai beaucoup aimé  ALABAMA MONROE


Ce film, partagé avec mon homme, aborde l'Amour, la maladie, les croyances, la fin de vie .....
sur un fond de musique "Bluegrass"
Il vous prend aux tripes et ne vous lâche pas comme ça  ....


Un petit click pour lire des Critiques sur Allociné



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Ci dessous deux critiques lors de la sortie du film, choisies parmi tant d'autres .......
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Barbu, chevelu, cul nu parfois, l'homme est comme ça chez le Belge flamand Van Groeningen, qu'on a découvert avec La Merditude des choses (2009). Son cinéma semble vouloir remettre en liberté notre animalité. Celle de Didier, ours qui vit seul dans sa caravane en retapant une ferme, se réveille au contact d'Elise, panthère blonde tatouée de partout. Très vite, elle fait partie de sa bande, elle chante dans son groupe de country, tendance bluegrass (fondateur : Bill Monroe, précise Didier), elle partage son culte de l'Amérique. Et puis, un enfant naît, la petite Maybelle. Bientôt atteinte d'un cancer.
En fragmentant la chronologie, Felix Van Groeningen semble vouloir battre en brèche l'émotion. Il la travaille, au contraire, en profondeur : peu à peu, Alabama Monroe prend son envol, brise le cadre d'une dramaturgie qui enfermerait ses personnages dans le mélo. S'il n'est question ici que de sentiments, ils se muent en folle énergie de vie ou de désespoir, ils s'affrontent au silence de l'univers. Maybelle projette son imagination inquiète dans les étoiles, le père s'en prend au Créateur, la mère veut ­renaître sous un autre nom, Alabama... Les cris, les pleurs deviennent, tout à coup, le langage d'une sensibilité fragile et désemparée. Comme la musique, qui apporte tantôt vitalité, tantôt tristesse délicate. Grand succès en Belgique, ce film est fait autant avec les tripes qu'avec pudeur. — Frédéric Strauss


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Le temps tatoué ou la dernière métamorphose d'Elise par Emmanuel Pasquier  
C’est en regardant son chien jouer à chasser les poules autour de son pick-up que Didier (Johan Heldenbergh) prend sa décision : « laisser partir » Elise. Les médecins disent qu’elle ne reviendra pas de son coma. Un petit rien, un chien qui joue, des poules qui s’enfuient en caquetant, à la frontière entre vie et mort, entre la vie qui cesse et la vie qui continue vaille que vaille. Didier pourrait mourir de chagrin, lui aussi. Il n’est pas moins triste. Mais il est ce chien qui joue – clin d’œil à Alain Chabat ? Chiche ! – La joie animale de la vie continue de couler par delà la douleur. Sève de la vie, comme la musique, rien ne l’arrête : elle est d’une autre texture que les événements de la vie.
Entre Elise et Didier, ce n’est pas seulement le contraste entre une vision matérialiste et une vision spiritualiste du monde et de la mort qui se joue. Pas non plus – ce serait une généralisation ridicule – entre le masculin et le féminin. Ce sont deux modalités du rapport au temps : le musical et le graphique – le bluegrass et le tatouage, en l’occurrence. Temps de l’amour et temps du deuil. Temps fluide de la musique, contre fixation spatiale des instants à même la peau. « Cruel Zénon ! »
« Alabama Monroe » n’est pas un drame psychologique, une version flamande de « La Guerre est déclarée » – un-couple-fait-face-à-la-maladie-de-son-enfant (Valérie Donzelli, 2010). Il n’est pas non plus réductible à un film message politique anti-Bush et anti-religion. Le fil conducteur, c’est le destin d’Elise. Sur sa peau, le temps n’est pas exactement figé, il hoquète, de gravure en gravure et de recouvrement en recouvrement. Le tatouage est comme une armure contre le temps. Mais il est mis en contradiction dans sa tentative de fixer le fluide : d’un côté, c’est comme si les choses n’existaient pas assez par elles-mêmes si elles n’étaient pas accompagnées du geste de les retenir. Angoisse héraclitéenne de l’écoulement universel, contre lequel il faut ériger des digues pour s’assurer que l’on vit. Mais, de l’autre côté, comme, malgré tout, le temps passe – « et nos amours, faut-il qu’il m’en souvienne » – Elise, comme un personnage d’Ovide, est contrainte aux réécritures d’elle-même, aux métamorphoses.
« Elise », était-ce seulement son « vrai » nom ? Ou celui qu’elle se donna au moment de la rencontre avec Didier, pour qu’il reparte rêveur en se le répétant ? Il paraît que la « Lettre à Elise » était initialement adressée à « Thérèse », mais qu’il y aurait eu erreur de transcription, un nom ayant recouvert l’autre sur la partition… alors ? (On a eu chaud…)
Les métamorphoses traversent le film : l’amante devient mère, la petite fille se déguise en super-héroïne de télé, puis devient cette petite malade chauve et intubée. Métamorphose d’un corbeau en étoile, métamorphose de Maybelle en l’oiseau qui s’était transformé en étoile. Puis ultime tentative pour, littéralement, « sauver sa peau » : Elise laisse la place à « Alabama ». Alabama comme une incantation magique ; Alabama comme la promesse d’une vie nouvelle ; cri d’appel vers la prairie perdue des origines, « Sweet home, Alabama ! » Changement de stratégie par rapport au temps : pas un tatouage de plus, mais le dernier tatouage, pour capter, comme Didier, la force vive de l’Amérique, celle des Indiens, pas celle de Bush.
Sur l’autre versant du film, il y a Didier et sa musique. A l’opposé de la fixation graphique du temps, Didier, refuse les tatouages, continue de jouer, car, comme dans « Treme », pour toutes circonstances, y compris et surtout pour les plus tragiques, il y a toujours de la musique. Fluidité musicale qui n’est pas indifférence aux événements, mais manière spécifique d’y faire face, de les assimilier en les remettant dans le flux d’un partage avec les autres joueurs. Vivre en musique c'est peut-être déjà vivre autrement. La musique est déjà faite de cycles et de résurrections. Didier n’est pas étranger, lui non plus, aux métamorphoses. Lui aussi vit de la capture d’une identité étrangère. S’il n’a pas besoin de l’écrire sur son corps, c’est parce que son corps en est habité musicalement et qu’un Stetson et des Santiags font l’affaire. Peut-être aussi que Didier sait que tout tatouage est un memento mori et qu’écrire, comporte déjà la perspective d’effacer.
Elise et Didier, ce n’est pas non plus la simple opposition entre un temps figé et un temps fluide, mais deux tentatives – deux solutions existentielles différentes – pour faire face à ce qui passe et à ce qui reste. Il est difficile de trancher pour dire qui , des deux, a « raison » et qui a « tort », qui a trouvé la « meilleure » solution, car dans la lutte que l’on mène pour faire face à la mort de son enfant, on a tout aussi « raison » de survivre, que de ne pas survivre. Il n’y a plus de « raison », plus de victoire ni de défait : plus qu’une « Dé-faite » qui n’est plus le contraire de la « victoire » vidée de sens.
La métamorphose d’Elise se fait en deux temps. Elle essaye d’abord de se sauver elle-même, en devenant Alabama, c’est-à-dire en essayant d’aller vers quelque chose qui ressemblerait à ce que fait Didier, tenter une ultime métamorphose, qui serait une sortie du cercle des métamorphoses, la dernière chance d’une écorchée vive, à qui il ne reste plus que les os. Elle tourne le dos à Didier, mais c’est parce qu’elle s’est mise sur le même terrain que lui, et ne peut plus être Elise pour Didier.
Mais Didier craque devant cette tentative. Pétage de plombs au concert. La musique cède devant le ressentiment et la douleur. Entre Elise et Didier, la lutte pour la survie est devenue un duel où l’un et l’autre risquent leur vie. Le dernier acte d’Elise/Alabama a donc l’air d’un sacrifice. Pas le geste de désespoir d’une femme qui jette l’éponge devant la souffrance, ni un geste inconsidéré qui tourne mal. En se renommant « Alabama Monroe », elle revient au tatouage, un tatouage qu’elle sait qu’elle n’effacera pas, celui-là, soudant par sa mort un mariage mystique avec Didier/Monroe, à qui elle redit son amour, même s’il ne pourra plus être vécu ensemble. Malgré les apparences, l’amour est plus fort que la mort, parce que, par son sacrifice, Elise/Alabama/Alabama-Monroe libère Didier, le rend à lui-même et à la musique. Le rend à cette Amérique rêvée où « chacun peut repartir de zéro ». Elle lui chuchote à l’oreille le secret de l’amour et la force de la métamorphose : « Tu es Monroe ».
Ce n’est pas comme si rien ne s’était passé et qu’il pouvait retourner à ses soudures et à sa caravane. Comme si tout cela, tout ce bonheur et toute cette souffrance, n’avait été qu’une parenthèse, une petite heure et demie dans une salle obscure dont on ressortirait indemne. « Alabama-Monroe » c’est peut-être aussi  un nom secret du cinéma. Magie du cinéma d’être image-musique : ni le temps sans attache sur lequel tout glisse, ni l’image fixe qui ne peut endurer le passage. Tenir ensemble le tragique pur et l’affirmation de la vie. Peut-être une définition du Beau. Mais qui n’a rien à voir avec l’agréable et fraye avec le traumatisme.
Le film nous torture parce qu’il est comme ces tatouages rituels des Indiens d’Amérique, dont Pierre Clastres nous a appris la signification :
« Voilà donc le secret que dans l’initiation le groupe révèle aux jeunes gens : vous êtes des nôtres. Chacun de vous est semblable à nous, chacun de vous est semblable aux autres. Vous portez le même nom et n’en changerez pas. Chacun de vous occupe parmi nous le même espace et le même lieu : vous les conserverez. Aucun de vous n’est moins que nous, aucun de vous n’est plus que nous. Et vous ne pourrez pas l’oublier[1]. »
Nous ne sommes pas soumis au sadisme arbitraire du cinéaste : l’esthétique rejoint le politique pour nous parler d’une autre politique que la politique verticale, à fondement religieux et transcendant, de l’Etat. Une « politique de l’amitié », politique des égaux qui nous rappelle à notre mortalité. Le film nous marque au fer rouge d’un « Vous ne pourrez pas l’oublier ». Comprendre : « vous ne pourrez pas oublier ce film », mais aussi : « que vous êtes mortels », et que cette mortalité est ce que nous avons en partage, enfants et adultes, humains et animaux, Flamands et Américains, Bush et Monroe, les cinéastes et les spectateurs. Le cinéma tatoue notre mémoire pour nous rappeler ce que signifie être humain.

6 commentaires:

  1. Excellent film que j'avais vu à sa sortie, très fort, poignant ; mais j'avoue que je n'ai pas eu le courage de le revoir quand il est passé à la télé, il y a peu ;-)

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    1. OH J'ai même pas su qu il était passé à la tv tellement celle ci on la délaisse ... merci de ton avis Gilsoub

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  2. L'a l'air bien, effectivement
    Merci pour l'info, à + Saby

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    1. Juste une envie de partager .... alors hop un petit truc sur ma bulle :)

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